Textes & Publications
macparis, 2024
Dans ses patients dessins à l’encre et dans ses céramiques, Caroline Kennerson s’intéresse à des aspects invisibles de la vie, empruntant des images au milieu médical ou scientifique, qu’elle combine avec des structures imaginaires, issues de son expérience personnelle, subvertissant les notions d’échelle, d’intérieur et d’extérieur. Devant ses grands dessins, le spectateur ne saurait dire, a priori, s’il s’agit de macrocosme ou de microcosme, de la voûte céleste ou d’un bouillon de culture…
Elle procède par hybridation d’éléments des règnes animal et végétal pour faire surgir, révéler – au sens photographique de ce mot – des relations et des similitudes insoupçonnées, mais pourtant latentes dans l’inconscient collectif, entre des éléments du vivant. Ce qui peut expliquer leur aspect souvent dérangeant, dans la mesure où l’artiste remet en cause de fausses certitudes fortement ancrées chez chacun d’entre nous.
Chez Caroline Kennerson, la fragilité est érigée en valeur cardinale, notamment dans ses fines céramiques, par exemple ses feuilles de rhubarbe ou de platane sur lesquelles sont gravés des schémas de la structure d’un ADN à identifier.
La sensibilisation à l’altérité est aussi centrale dans ses œuvres. Ses grands dessins, comme Chœur, figurent sa vision de la biocénose, l’ensemble des organismes vivants coexistant dans un écosystème donné, leurs organisations et interactions. Une incitation à transposer cette notion à notre échelle, à plonger dans notre intime, mais aussi et surtout à repenser notre rapport à l’Autre, à mettre en évidence l’interdépendance vitale des divers constituants de notre humanité.
Louis Doucet
Miroirs du vivant, 2022
Les plasticiennes Caroline Kennerson et Sophie Lecomte s'intéressent toutes deux au vivant. Elles créent des hybridations improbables associant règnes animal, végétal et minéral pour faire émerger ces fils invisibles qui nous relient. Elles questionnent toutes deux la peau, l'enveloppe comme ce qu'elle renferme, et mettent en résonnance l'intérieur et l'extérieur, le microcosme et le macrocosme pour nous donner à voir ce qui nous échappe et nous constitue. S'inspirant de contes, de mythes aussi bien que d'imagerie scientifiques, leurs oeuvres portent un regard sur notre monde en mutation.
Œuvres de patience, elles mènent à l'intime, soulignent la fragilité et l'interdépendance des espèces. Ces univers nous invitent à une réflexion sur notre place dans le monde : des questionnement qui prennent un écho particulier dans notre contexte actuel.
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Article dans Le Parisien:
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Génétique chimérique
Caroline Kennerson s’intéresse à la phylogénie interspécifique, consistant en l’étude des relations de parentés entre les espèces vivantes. Au croisement de l’art et de la science, l’artiste crée sa propre génétique, réinvestissant des images médicales (IRM, scanners, radiographies) ou coupes cellulaires observées au microscope, à l’aide de peinture, d’encre, de crayon, de stylo bille, marqueur ou feutre… Aussi l’affect est-il projeté sur l’élément empirique, dans cet art incorporant la fiction à l’imagerie réelle. Concrètement, les jeux avec la représentation scientifique de Kennerson se manifestent par des cellules animales apparaissant sur des radiographies humaines, et réciproquement. Dans ses installations, l’artiste va jusqu’à imiter certains dispositifs scientifiques – c’est le cas de ses négatoscopes muraux, auxquels elle donne une forme ronde. Ses expériences d’hybridation de l’animal et de l’homme, voire du végétal, induisent une volonté de faire transparaître certaines similitudes entre espèces d’ordinaire considérées comme différentes. L’artiste entend aussi révéler non seulement la poésie de ces particules de corps, mais encore leur lien certain avec nos ressentis : dans ses voyages dans l’infiniment petit, Kennerson plonge au cœur de notre chair, questionnant nos mystères et failles les plus enfouis. Elle rappelle qu’à l’instar de notre système cellulaire, dont le fonctionnement échappe encore partiellement à l’homme malgré les progrès de la science, notre réalité profonde, intime, nous est, elle aussi, inconnue. Peut-être est-ce alors par l’expérience de l’altérité, celle du Vivant qui nous ressemble, que nous pourrions découvrir.
Nora Hubert
Art Absolument, Hors Série
61 artistes, Talents à découvrir, 2ème édition
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Philogénie utopique,
La phylogénie (du grec ancien phylon, signifiant « race, tribu, espèce ») est l'étude des relations de parenté entre êtres vivants. Également orthographié philogénie, le terme acquiert une portée philosophique, voire métaphysique, résonnant alors avec ce qui se joue au-delà, par-delà les apparences sensibles.
À travers cette exposition de travaux récents allant du dessin à l’installation, en passant par la sculpture, Caroline Kennerson nous invite à nous pencher, physiquement comme mentalement, sur l’interdépendance des espèces animales (l’homme étant à considérer, aussi, comme un animal particulier) et végétales. Gravant des cellules de poissons ou de rats sur des radiographies humaines ou des cellules humaines sur des radios de chiens, en y associant parfois des cellules de végétaux pour la richesse formelle et suggestive de leurs motifs, c’est en effet des notions d’hybridation, de chimère, de manipulation génétique imaginaire et d’artefact dont se saisit l’artiste, à bras le corps.
L’artefact semble bien la pierre angulaire de ce travail de minutie, dans la pensée comme dans la réalisation, mêlant subtilement la distance prise avec les représentations médicales au fondement des œuvres et la volonté farouche de pénétrer au cœur même du vivant, de la matière organique, pour en fouiller les secrets autant que la poésie. Art et sciences sont d’ailleurs unis dans ce mot même : l’artefact de l’imagerie médicale permettant de jouer à plein l’artéfact de l’image de l’artiste !
C’est donc le corps qui est ici convoqué, le corps humain, le corps animal, le corps social aussi, par cette interrogation essentielle, douce et violente à la fois, sur ce qui lie et sépare les espèces entre elles. Faire corps, qu’est-ce ? Et qu’est-ce qui fait corps, pour chacun d’entre nous, pour nous tous ?
Les images médicales (IRM, scanner, radiographies) ou coupes cellulaires observées au microscope sont avant tout choisies à la faveur d’association de motifs humain, animal et végétal, l’artiste reprenant à son compte – son conte, aussi – le concept et la figure de l’arborescence, comme le pointe spécifiquement le vocabulaire de la neurologie et plus largement des neurosciences. Le réseau neuronal est en effet constitué de collections de neurones (plusieurs dizaines de milliards dans un cerveau humain) étroitement connectés – on parle de « clique », ce qui n’est pas sans rappeler la troupe ou le troupeau des organisations humaine et animale – et d’espaces vides entre eux (appelés « cavités » ou « clairières », comme le disent métaphoriquement certains chercheurs). Cette organisation complexe, apparentée à une géométrie fractale, l’artiste la redessine à sa guise, contaminant progressivement l’imagerie médicale, la réinventant à l’aide de multiples médiums : peinture, encre, crayon, stylo bille, marqueur, feutre. Les techniques mixtes étant privilégiées pour les petits formats carrés de la série Portraits ou pour un jeu sur la brillance et l’invisibilité selon les angles d’observation pour les Impressions. Ainsi s’agit-il de brouiller l’image, les pistes de perception et de compréhension trop littérales.
Les dispositifs scientifiques sont rejoués, déjoués par l’artiste : elle grave à l’aide d’une aiguille – et l’on sait combien le vocabulaire médical et celui de l’art et de l’artisanat se rejoignent lorsque l’on parle d’aiguille, de couture, de suture, de tissus… – elle recrée des négatoscopes muraux mais de forme ronde ou bien une table rétroéclairée, comme si le plan vertical des cabinets médicaux était ramené à celui de l’observation des boîtes de pétri sur la paillasse horizontale des laboratoires (pour les séries Chimères et Se mettre au vert, notamment), tandis que le dessin, lui, s’observe traditionnellement sur ces deux plans.
Le regard, de l’artiste puis du spectateur, se déplace donc du squelette à l’organe, du crâne aux neurones, de l’os à la cellule des tissus cérébraux, de la nervure à la molécule de chlorophylle, de la structure au remplissage : de ce qui tient, ce qui maintient à ce qui fait matière, ce qui fait corps, en somme.
Le jeu sur les rapports d’échelles, les ordres de grandeurs, est au fondement de la démarche de l’artiste, qui propose, impose une observation de l’échelle 1 au microscopique, autant dire du macro au micro, tant les écarts sont immenses et les repères perturbés.
Un autre trouble notable dans la conception et la production des œuvres concerne les modalités de la gravure dans les pièces de Caroline Kennerson : elle est exécutée de mémoire pour la série du même nom, mais d’après modèle pour toutes les autres, afin d’asseoir la cohérence du discours utopique sur la philogénie, dont le sillon se creuse au fil du temps. La série Bleue comme une orange rassemble ainsi des dessins hyperréalistes d’images de cellules de vitamine C, toujours colorée en bleu par les scientifiques alors qu’elle pourrait parfaitement l’être dans une autre teinte. Partant de cet artéfact du colorant choisi par les biologistes, l’artiste attire notre attention sur le caractère poétique, surréaliste de l’image et de son sens en convoquant dans son titre ce vers de Paul Eluard : « La Terre est bleue comme une orange », tiré du poème intitulé La Terre est bleue, publié dans le recueil L'amour la Poésie en 1929.
Caroline Kennerson compose ainsi un va-et-vient entre magie de l’invention, douce rêverie et réalité crue : celle de l’intérieur des organismes d’habitude pudiquement cachée au regard et à l’exploration pour le commun des mortels, celle de la maladie aussi, de la dégénérescence, du corps en général et plus singulièrement du cerveau. Plonger au tréfonds de soi, dans les entrailles du vivant, c’est toujours toucher à des angoisses profondes, existentielles : la peur de la mort et de l’oubli, de soi, de ce qui constitue notre être, notre humanité aussi. Et comme toujours lorsqu’il est réellement question d’intimité, celle du corps, des corps, il est aussi question de violence ; d’attraction et de répulsion ; de vide et de plein, d’abîme et de plénitude.
En évoquant le développement parfois fou des cellules, voire leur emballement incontrôlable, l’artiste suggère, avec une extrême délicatesse, que l’on est, in fine, toujours et absolument étranger à soi-même, quelle que soit l’excellence d’un niveau de connaissance scientifique et de maîtrise technologique. Ou quand la science, la rationalité ne nous apprennent pas l’essentiel. L’hybridation tiendrait alors lieu de secrète promesse – peut-être pas si utopique que cela – passer par l’autre, ce plus grand étranger encore, pour découvrir une parcelle de soi.
Aurélie Barnier
2018
http://pointcontemporain.com/portrait-artiste-caroline-kennerson/
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Le corps et l'esprit
De la rencontre avec l'oeuvre de Caroline Kennerson, persiste une sensation de continuité dans une quête de transformation de la matière par la couleur et par la forme. Une certaine idée du défi imposé à l'artiste, in extenso!
Il semblerait que la substance libérée par le murex inspire cette étonnante plasticienne qui trouve le plein épanouissement dans ses notes exigeantes. Le rouge est la contrainte qui doit forcément arriver un jour à l'artiste : Caroline, dans son oeuvre applique une méthodologie qui transgresse vers cette couleur difficile, une philosophie de substitution. L'émotion transcrite dans le brassage des carminées, élève la conscience vers la grande question : l'origine de la vie, ses différents cycles, son devenir - le grand mystère du vivant exploré.
Il me vient des images de Pina Bausch dans le Sacre du Printemps de Stravinsky.
Le corps, que la ballerine étire et malmène est de la même tonalité émotionnelle que celui qu’aborde Caroline dans ses propositions. La douleur est palpable, la fêlure, la déchirure, la fracture, autant d’ingrédients que le créateur offre à celui qui pansera d’un regard les plaies.
Caroline nous invite à décrypter la face cachée de ses oeuvres. L'inconnu la fascine et l'imagerie médicale est l' un de ses terrains de recherches.
Elle explique que c'est le corps qui est venu vers elle. De cette évidence est née la nécessité. Elle expérimente sans cesse de nouvelles possibilities ; peinture, assemblage, emboîtements, hantée par le spectre de la répétition.
Interressée par la cuisine du peintre, elle élabore ses différents travaux avec passion et ne se refuse aucun défi; land art - conceptions de projets...
Inconditionnelle de la couleur pourpre, il semblerait qu'elle soit la digne héritière de cette " Garance qui fait parler le violoncelle " selon Elena Vieira de Silva.
Dans toutes ses déclinaisons, elle est aussi la couleur que Caroline KENNERSON offre à nos différentes interrogations, en nous enseignant tout simplement le dépassement de soi.
Quel que soit le support abordé : verre, papier, bois, toile, ou encore terre cuite, la sensibilité de ses réalisations touche au plus profond de l’être. Là ou la chair devient l’intime de l’œuvre, elle nous démontre que végétal et animal ne font qu’un et que de la finitude naîtra le commencement.
Aller vers l’origine, a écrit le poète. Aller vers l’évolution d’une œuvre pour que l’ineffable nous devienne familier.
Mylène VIGNON
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Biocénothèque
Que d'installations dans nos corps
que de performances
à l'intérieur de nos simples têtes
à l'intérieur desquelles
l'intérieur des choses même extérieures à notre tête
nous parviennent, sont stockées
Combien de cellules de moines plus petites que mon ongle
plus petites que le micron je renferme
Combien d'entre elles voyageant dans l'habitacle de ce corps ciselé, idéalement inquiétant, nous inquiètent ; enzymes, bactéries, germes, alvéoles, nucléoles un peu folles
font de drôles de prières et se reproduisent en chaîne
partout dedans des milliards de petits dedans, petites unités encordées à flanc d'organes
Des qui en renferment d'autres en train d'éclore y compris des corps non désirés,
mais on ne gouverne rien on est totalement extérieur à l'intérieur de son corps
des globules, de la chair, des fluides des couleurs rosâtres ou verdâtres
ah si notre vanité se promenait un peu plus souvent à l'intérieur de notre corps
ça changerait un peu l'image qu'on a de soi
dedans c'est dégoûtant
dedans c'est ragoûtant
dedans c'est comme à la foire
c'est comme dans le train fantôme
des fibres de barbe à papa
des manèges de nerfs à vifs, des huiles de friture qui s'ennuient dans leurs roulements à billes
des îles organiques qui dérivent à leur guise
Ah çà la peau empêche que nous nous égarions
elle garde tout notre dedans si important comme pour une course en sac
La peau c'est la limite de ce domaine qui nous est chair
Milliards de mondes en nous si infiniment petits si petits
On en ignore presque tout comme si on ne voulait pas savoir
dedans ça ne me regarde pas
Alors il y a des spécialistes comme pour les sales boulots
D'ailleurs il faut toujours un nouveau microscope plus high-tech que le précédent pour s'approcher de nous
comme en amour
ah pourquoi vous dites ça ?
ça ne vous regarde pas, c'est personnel
je ne communique pas à mon employeur mes certificats sentimentaux
dedans partout on le sent bien c'est brasiers et combustions
des portes claquées, des coups de tonnerre, des coups du sort, des jus, des courants, des magmas, des concerts
oui des bruits : j'ai déjà écouté le bruit du foie, le bruit que fait le foie quand il bruisse, le foie ? pas l'organe mystique, non, l'organe qui trinque quand on est triste : je ne voudrais pas vous inquiéter mais...
ça fait comme dans une musique de boîte de nuit-là dedans
Une belle aguicheuse aux bas de soie et aiguilles de talons pousse à la conso, faut voir ça sur la radiographie... Et puis elle se confie à vous en pleurnichant... pourquoi vous...
Elle l'hôtesse du foie, elle dit j'ai attrapé le mal de la rate, mais non elle ne dit pas qu'elle a la rate qui se dilate, vous en avez de drôles de références vraiment !
Là c'est du sérieux, c'est une maladie d'amour, pour un beau rat,
les maladies d'amour vous atteignent pour de bon comme les vraies !
Elle pense à son beau rat, lui Roméo, au balcon de son égout comme à Venise une odeur envoûtante de pipi dans des ruelles de bal masqué
tu vois un peu l'injustice, une odeur d'urine à Juvisy est une odeur de pisse
mais une odeur d'urine à Venise est un merveilleux souvenir …
Le corps n'est que contradiction quand ce n'est pas ponction lombaire ou maladie nosocomiale. Comment tout ce blanc dans les hôpitaux, tous ces néons blancs, toute cette brillance des linoléums aveuglants peuvent-ils être à ce point porteurs de germes pouilleux, grossiers et mal lavés et que nous n'en sachions rien...
C'est faux, maintenant, les blouses, souvent, elles sont bleues... comme une sorte de bleu sur la peau... C'est encore plus inquiétant...
On m'a passé au scanner tout l'intérieur du dedans comme si le télescope spatial Hubble avait cherché des trucs aux confins de mon univers intime... Est-ce que je mets, moi, mon œil à l'oeilleton du trou de balle de mes voisins ? Ils ont même passé mon cerveau au scanner, au « crible », ça donne des images pas mal, mais ça fait peur, toute cette résonance magnétique qu'ils font résonner en vous... Mais alors, ils vont tout voir, tout savoir, tout de moi cartographié en couleurs : le triste, le beau, les projets que je nourris en secret... Je ne suis pas pour leur laisser voir mon cerveau... Et le droit à l'image alors, c'est mon cerveau quand même ? Ils n'ont qu'à scanner le leur ! Radiographies, photographies, Lady D ça leur a pas suffi... ?
_ Laissez-vous aller, on ne va pas vous faire de mal, ce n'est qu'une radio ... Depuis ces histoires de nucléaire les gens font bien des manières, comme si on avait besoin de ça … Attention, 1, 2, 3, souriez, le petit oiseau Fukushima va sortir...
Quand le docteur a posé sa grosse tête rugueuse et sans cheveux sur le duvet blond de son féminin ventre oiseleur et chaud, il a entendu le chant de ses organes comme au premier matin du monde lui murmurant à l'oreille un secret défense ou pire anticorps : la naissance du monde, un nouvel apparu, se hissant dans la chair de sa mère, au milieu de cet ensemble d'organes hostiles car déjà bien en place, oui le ventre, un endroit où personne a priori n'attend personne... un peu comme lorsqu'on remet en cause le traité de Schengen, qu'on refoule tout corps étranger à la frontière.
L'homme savant aux longues études et fines lunettes cerclées d'or se met alors à pleurer d'émotion lui aussi. Oh quelle belle échographie d'être humain à venir comme il est mignon tout pixellisé sur cet écran ...C'est qu'à l'adolescence sur cet écran il va y retourner fissa, comme pour y retrouver sa propre image subliminale … Ne cherchez plus pourquoi vos ados aiment tant « docteur House »...
Dans nos corps, tant de beauté et de chagrin et de pitié à venir...
L'imagerie médicale est si romantique au fond !
Ensemble : Nous sommes des milliards, nous contenons des milliards d'autres, et d'autres milliards sont venus avant nous et sont repartis joyeux, sont-ils ces confettis au-dessus de nos têtes panseuses ces milliards d'étoiles de shérif qui tournent sans arrêt dans le ciel sans fin et le ciel, milliards de kilomètres qui pullulent dans le bleu infini, ne rejoint jamais le fond de rien... Nous sommes des milliards, nous contenons des milliards d'autres, au-dessus de nos têtes panseuses des milliards d'étoiles de shérif tournent sans arrêt dans le ciel sans fin et le ciel, milliards de kilomètres qui pullulent dans le bleu infini, ne rejoint jamais le fond de rien : ou si
d'autres milliards et milliards de rien qui se reproduisent aussi
comme des milliards d'assiettes qu'on ferait tourner sur des bâtons au cirque de Moscou
des cellules souches ou bien
des souches d'arbres...
Jacques Dor
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« Le corps est l’extension de l’âme jusqu’aux extrémités du monde, jusqu’aux confins du soi, l’un dans l’autre intriqués et indistinctement distincts, étendue tendue jusqu’à se rompre. »
Jean-Luc Nancy, L’extension de l’âme
Depuis 2000, Caroline Kennerson est engagée dans une pratique artistique qui questionne le corps ses secrets, ses fragilités, ses failles. Elle nous emmène alors dans un univers pourpre, sanguin, charnel, qui génère autant d’attraction que de répulsion. Regardant l’intérieur mystérieux de notre corps, ces œuvres nous touchent. Au fil de ses recherches, elle a exploré différentes techniques ; partie de la peinture, elle s’est vite sentie limitée par ce support plan. Elle a alors réalisé des installations qui enveloppaient le spectateur et le mettaient au centre de l’œuvre, au cœur du corps. Le lieu, L’œuvre et le spectateur forment alors une trilogie qui permet une rencontre intime et forte qui génère des émotions et des sensations chez le spectateur. La sculpture, les performances, le travail in situ viennent diversifier ses pratiques en fonction des lieux ou de ce que l’œuvre cherche à dire. Figuratives ou abstraites, ces œuvres parlent toutes de nous, de ce qui nous constitue.
Cherchant dans un premier temps à comprendre les secrets de la vie, de ce que l’on est à l’intérieur de la chair, ses œuvres ont petit à petit dérivé pour créer des formes de vie hybrides, entre végétaux et êtres de chair qui pointent du doigt les dérèglements de notre planète et les mutations rapides que nous subissons. D’un travail exclusivement centré sur la chair, les œuvres questionnent également le vivant sous sa forme végétale, mais aussi l’environnement qui nous abrite et les évolutions fantasmées de notre futur.
Pour ce qui est des installations et dessins récents, nous sommes transportés dans l’univers médical. Ces images nées de technologies de pointe : radiographie, IRM, scanner, microscope,… sont reproduites avec des médiums variés mais traditionnels : peinture, encre, crayon, feutre, ... Il y a alors confrontation entre ces deux technicités, mais également entre les ordres de grandeur (de l’échelle 1 au microscopique), les origines (humaine, animales, végétale). Les dessins se veulent très proches des images réelles, ils comportent des pièges, des écarts avec la réalité plus ou moins perceptibles. Les dessins sont installés en groupe et matérialisent ainsi un quasi portrait que l’on ne saurait qualifier mais qui interpelle le spectateur.
Si les œuvres apparaissent sous des formes visuelles bien différentes, à y regarder de plus près, elles sont pourtant bien proches. C’est ainsi la même histoire qui est contée : celle des mystères de la vie, de notre réalité physique profonde qui nous reste pourtant étrangère.
Caroline Kennerson